08/11/2018 //
Le point de vue de l’entraîneur
Laurent Donato, parlez-nous de votre rôle auprès de Valentine.
J’ai entraîné à tous les niveaux, jusqu’en Coupe d’Europe et en Coupe du monde avec l’équipe de France. Mais depuis deux ans, je fonctionne un peu comme un coach privé pour Valentine. On est 100% ensemble, c’est la seule athlète dont je m’occupe sur les skis. Ce choix est le résultat d’une longue réflexion menée avec son entourage, et c’est vrai que c’est un challenge intéressant. Mais ce n’est facile ni pour l’athlète ni pour l’entraîneur: on est un petit peu à côté du système sans toutefois être contre le système, il s’agit d’une approche différente. On en a d’ailleurs un exemple en Suisse avec Lara Gut. Le but est d’être le plus performant possible et de donner à Valentine le plus de chances de réussite.
A vos yeux, quels sont ses principaux points forts?
Sur le plan physique, elle a un très beau gabarit, beaucoup de force et beaucoup de puissance, ce qui est plutôt intéressant pour le ski. Sur le plan technique, elle a une bonne base, un bon toucher de neige ainsi qu’une bonne vitesse de pied. C’est sur le plan mental qu’on doit encore travailler car Valentine a tendance à s’étioler entre les courses et l’entraînement; elle ne réussit souvent qu’une manche sur deux. C’est donc un point qu’il faut améliorer.
Comment arrive-t-elle à concilier les études et le ski?
Comme elle a des facilités pour l’école, elle s’en est bien sortie pour la matu, tout en restant très concentrée sur le ski. Aujourd’hui, nous sommes souvent en déplacement, nous sommes notamment allés au Chili cet automne. Elle essaie donc de se concentrer sur les périodes pendant lesquelles on ne skie pas, pour enchaîner la préparation physique et ses études. Le week-end, elle va souvent suivre des cours à l’uni à Fribourg.
Pour quelles raisons avez-vous opté pour un stage au Chili?
L’année dernière, nous avions accompli un gros travail technique en Norvège. Et pour notre 2e année ensemble, nous avons choisi le Chili pour ses conditions hivernales. Nous avons ainsi pu jongler entre toutes les disciplines, du slalom au super-G, et bénéficier d’excellentes conditions de terrain. Il n’y avait pas beaucoup de neige mais le revêtement était très dur. En guise de préparation au géant, Valentine a aussi pu faire pas mal de super-G, ce qui n’est pas possible ici.
C’était un stage difficile, on a skié 18 jours sur les 21 passés sur place, ce qui a permis de réaliser un gros travail de fond, qui devrait payer plus tard. C’est difficile de tout mettre en place immédiatement au retour, mais c’est une expérience qui apporte beaucoup. J’ai pu le vivre pendant de nombreuses années avec les Français de Coupe du monde.
Comme Valentine ne fait pas partie d’un groupe, ne risquait-elle pas de se sentir un peu isolée?
Non, pas du tout. Dans la mesure où ces stages se préparent longtemps à l’avance, nous avions ciblé les endroits pour nous entraîner. Nous avons pu travailler beaucoup avec d’autres équipes nationales, Andorre notamment, une ou deux fois avec les Allemandes, ainsi qu’avec les Norvégiennes qui s’entraînaient à côté. Il faut dire que dans ces stations, les trois quarts des gens sont là pour s’entraîner. On ne se sent donc pas trop isolé, c’est l’avantage.
On imagine que l’altitude a pu poser des problèmes…
C’est un petit point faible de Valentine, elle a eu de la peine à s’acclimater. Les 3 ou 4 premiers jours ont été un peu complexes. Il faut savoir qu’à Valle Nevado, on logeait à 3000 m d’altitude. Elle en a bien bavé les deux premiers jours. Avant de dormir correctement, il faut une petite semaine d’acclimatation.
A lire son blog, elle semble vouloir s’orienter vers la vitesse.
Non, elle a certes des qualités intéressantes pour le super-G mais les disciplines de vitesse nécessitent une longue formation. Il faut beaucoup de kilomètres avant de se sentir bien sur les skis, si l’on veut acquérir une notion de trajectoire qui diffère quand même de celle qui est nécessaire en géant et en slalom. On a entraîné le super-G pour qu’elle progresse en géant. Comme elle y a pris du plaisir et qu’elle a obtenu des résultats plutôt intéressants, elle a envie de courir quelques super-G FIS. Si elle arrive à être performante, peut-être aura-t-elle l’opportunité de s’aligner dans des super-G de Coupe d’Europe. Mais je pense sincèrement que le chemin sera long. Notre objectif, c’est de continuer à travailler le géant et le slalom.
Reste le super combiné. On ne sait pas encore comment évoluera la discipline ces prochaines années. Mais en tout état de cause, ça peut être très intéressant pour Valentine, grâce à ses qualités en slalom et pour autant qu’elle soit performante en super-G.
Que pensez-vous de l’objectif qu’elle s’est fixé pour la saison, à savoir entrer dans le top 30 en Coupe d’Europe?
Actuellement, elle a bien évolué en slalom, son ski est devenu plus solide. Mais il y a encore la vérité de la course... Pour elle, ça va se jouer essentiellement sur le plan mental. C’est ce que l’on travaille, car elle doit se sentir en pleine confiance et réussir à aligner deux manches pleines. Dans l’idéal, il faudrait qu’elle soit performante tout de suite en début de saison, dès les premières courses, afin de pouvoir partir sur la Coupe d’Europe. Mais si elle skie au niveau qui est le sien, je pense qu’elle peut sans problème finir dans les 30 en Coupe d’Europe.